Colloque OLVA "De l'observation à la coopération : méthodes et enjeux pour la vie associative locale"
> Le 17 octobre 2023 à la Fondation du Crédit Coopératif à Nanterre
> Le 17 octobre 2023 à la Fondation du Crédit Coopératif à Nanterre
Le territoire fait référence à plusieurs approches différentes dans la recherche en sciences sociales. Trois façons de se saisir du territoire semblent entremêlées pour le monde associatif. La première est bien sur celle de l’espace géographique qui module l’espace de vie comme les interactions humaines. Le territoire devient aussi le lieu de vécu et de représentations comme le suggère la géographie culturelle (Bailly, Béguin, A. Frémont, etc.). La deuxième est celle de l’espace économique façonné par l’activité humaine et pourvoyeuse de ressources pour ses habitants (Pecqueur, Collectis, Courlet, etc.). Le territoire est alors le socle des dynamiques de coopération ou de concurrence pour les entreprises. La troisième est celle de l’espace politico-administratif qui fait référence à des enjeux de gouvernance et de souveraineté. Le territoire devient le support à l’action publique locale.
Les associations font face à l'emboîtement et la dissociation de ces territoires : l’espace vécu par les usagers, l’espace économique des activités, l’espace politique du projet associatif. Ce rapport au territoire est beaucoup moins significatif pour des associations autonomes, non employeuses, dans des activités hors des politiques publiques. Rappelant que des associations sont des opérateurs des politiques publiques, mais que d’autres sont plutôt des émanations des citoyens et des agents économiques localisés.
Les associations participent à la construction d’une représentation du territoire par l’occupation de l’espace public et l’identification comme la résolution de problèmes locaux (par exemple les crèches parentales, les tiers lieux associatifs, etc.). Elles sont des lieux de création de ressources endogènes (Colletis et Pecqueur, 2018) et participent à une territorialisation des processus productifs (par exemple, les associations d’artisans, celles investies dans des pôles territoriaux de coopération, de valorisation du patrimoine, de défense des droits, écologiques, etc.). Dans ce contexte, le monde associatif a un rôle à jouer dans la construction d’une spécificité productive au niveau territorial en participant à la création et/ou valorisation de ressources (Itçaina, Pecqueur, 2012) sous forme d’expertise, de travail, de dons, de réseaux et de capital social.
Dans une approche française, ces questionnements sont au croisement entre les sciences politiques, la sociologie de l’action publique et de l’économie régionale. On peut citer, par exemple, la fabrique des territoires, les matrices territoriales (les réseaux d’acteurs, les normes institutionnelles, les facteurs culturels, historiques et politiques), la gouvernance territoriale (qui implique les modalités institutionnelles de prise de décision sur le mode du développement territorial à travers les débats publics, l’action publique et plus précisément la production de politiques publiques). De façon transversale, pour Leloup, Moyart et Pecqueur (2005), la gouvernance territoriale peut être vue comme un processus de coordination des acteurs, mais aussi d’appropriation des ressources et de construction de la territorialité dans lequel les acteurs publics sont nodaux, mais non monopolistiques. Citons encore l’économie des proximités qui considère non seulement une proximité géographique, mais aussi la proximité institutionnel et organisationnel.
Dans la littérature internationale, les relations entre le monde associatif et le territoire sont principalement analysées au prisme de trois dimensions. La première facette questionne la place des associations dans l’action publique. Les enjeux sont alors les effets de l’institutionnalisation des associations, de leur rôle dans la co-construction de politiques publiques et la possible marchandisation du social. La deuxième souligne la contribution des associations à l’innovation sociale dans sa capacité à produire une réponse à une demande, souvent dans une logique entrepreneuriale. Une troisième voie semble pertinente, celle de situer l’analyse du rapport entre les associations et les territoires dans les enjeux du développement endogène, entre locaux et global, entre mondialisation et territorialisation.
Pour comprendre la territorialisation des associations, il semble pertinent de tester les liens entre les facteurs spécifiques au monde associatif et ceux spécifiques aux données socio-économiques locales.
Les caractéristiques spécifiques des associations ont un impact sur sa territorialisation. Les initiatives associatives émergent de façon micro-locale afin de répondre aux aspirations et aux besoins de leurs membres façonnant le projet collectif. Elles mobilisent les ressources (bénévolat, dons, réseau) de leur communauté et elles sont localisées près de leurs usagers et de leurs marchés. Ainsi, le projet comme les activités sont façonnés par la communauté d’origine.
Puis, dans une approche dynamique, ces initiatives se pérennisent, elles peuvent suivre des stratégies de développement par essaimage, croissance, regroupements régionaux et autres formes. Par exemple, dans le monde associatif, le lien des associations au territoire se construit dans leur capacité à résoudre les problèmes des populations sur leurs lieux de vie.
Les caractéristiques socio-économiques de la population locale influencent aussi l’existence et la structuration de collectifs permettant l’émergence des associations. Autrement dit, la définition du projet associatif et son incarnation dans des activités résultent des caractéristiques sociologiques, économiques et culturelles du territoire. Par exemple, les associations en lien avec la parentalité, l’organisation de moments de jeux ou d’animation à destination des familles sont présentes là où ces familles habitent et où elles ne trouvent pas de réponses.
La territorialisation des associations fait référence à un processus dynamique de construction, par les acteurs, de relations entre des organisations et entre des organisations et acteurs. Cette territorialisation est façonnée par les caractéristiques des territoires (caractéristiques socio-économiques et socio-politiques, politiques publiques locales), par les spécificités des associations (projet, collectif, activité, statut, secteur, phase de développement) et les stratégies des associations (développement par essaimage, croissance, regroupements régionaux, etc.) elles-mêmes.
La construction du territoire par les associations est conditionnée par des modalités du pouvoir d’agir territorial. Parmi ces modalités, nous soulignons : la co-production de connaissances (observatoires de l’ESS, observatoire de la vie associative, etc.), la capacité à s’organiser collectivement (têtes de réseaux nationaux, sectoriels, maisons des associations, etc.), à capacité à innover et expérimenter (dispositifs expérimentaux), et enfin à sa capacité de coopérer avec parties plusieurs prenantes diverses.